Patrimoine vivant Wallonie-Bruxelles


La légende des macralles du Val de SalmLa légende des macralles du Val de Salm

  • « La fête des Myrtilles était une institution et je venais voir avec mes parents, et de fil en aiguille j'ai connu les Macralles »
  • « Le fait de devenir diable, ça m'a marqué ! »
  • « On était sur la grande Muraille de Chine, les Chinois étaient fous de nous »

C'est quoi ?

" Jamais le silence et l'horreur solitaire d'une ombreuse forêt ne me plurent autant,
si ce n'est que mon soleil se trouve trop loin de mes regards"
Francesco Petraque, Enpassant par la forêt des Ardennes, Canzoniere, 1333

Depuis 1956, sur les hauteurs du Val de Salm, dans la clairière des rochers du Tiennemesse, c'est dans la pénombre de la nuit du 20 juillet, que surgissent des airs, d'horribles sorcières toutes habillées de noir, au nez crochu et chevauchant leur balai. Ces Neurès Bièsses , ou macralles, après s'être fait remettre symboliquement en soirée les clés de la ville pour 24 heures par le bourgmestre, se rassemblent pour tenir leur Sabbat en présence du Diable, le bouc noir, sorti tout droit des fumées de l'enfer. Tout en dansant et en chantant, elles se vantent, en wallon, des mauvais sorts jetés et des actions néfastes commises durant l'année. Elles en profitent pour introniser certaines personnalités et leur donner le titre de « Baron des Frambâches ».

Les macralles, le mayeur et la clé © Ooh! Collective
Les macralles, le mayeur et la clé © Ooh! Collective

Les heureux désignés, souvent des personnalités connues, doivent ingurgiter une cuillère de tchatcha, un nectar de myrtilles écrasées, enfourcher le ramon qui n'est autre que le balai de sorcière et réciter la formule magique qui leur permettra de franchir les haies et les buissons : "Sôte Mirôte out' hayes èt bouchons".

Après une danse endiablée, les macralles disparaissent dans la nuit, au milieu d'un feu d'artifice de son et lumière.

Les barons et baronnes nouvellement intronisés signent un livre d'Or et pourront, par leur assiduité, accéder au rang de Vicomte, Comte, Marquis, Duc, Grand Duc et enfin Prince des ténèbres... L'évènement permet également d'introniser les loumerotes, littéralement feux-follets, terme qui désigne les jeunes sorcières qui n'accèderont au titre de macralles qu'au bout de deux ans d'apprentissage.

Le sabbat des macralles, évènement folklorique important dans la région attire environ 2000 personnes. Le lendemain, le 21 juillet, munies de balais et de lanceurs de talc, les macralles participent au cortège de la Fête des Myrtilles. Lors de la parade finale, elles restituent les clés de la ville et lancent de délicieuses souris en gomme anisée. La société des Macralles, fondée en 1955, voyage également hors de sa contrée pour aller jeter leurs sorts sur d'autres villes belges ainsi qu'à l'étranger. (*)

La légende à l'origine de l'évènement

Tout est né d'une certaine Gustine Maka, Marie-Joseph Augustine Lemoine, née à Rencheux en 1836 et décédée à Turnhout en 1915. Femme accablée par les malheurs de la vie, elle perdit ses deux maris jeunes et ses deux fils décédèrent en bas âge. Seule, impotente, boiteuse et dotée d'une imagination débordante, elle errait, courbée en deux dans les rues de Vielsalm, elle épanchait ses malheurs sur qui voulait l'entendre.

Tous les ingrédients étant là pour faire naître la peur ancestrale des sorcières, les gens se méfiaient d'elle, et racontaient qu'elle était capable de jeter des sorts sur les personnes qui osaient la repousser. Appuyée sur son bâton, on disait qu'une fois à l'abri des regards, elle se redressait et marchait normalement.

Un jour, la légende raconte qu'un groupe de jeunes gens partis à la cueillette de myrtilles qui cette année là s'étaient faites rares, revinrent bredouilles après plusieurs heures de recherche. En rentrant chez eux, ils rencontrèrent Gustine Maka qui portait, elle, un panier plein de ces fruits sauvages. En voyant la surprise sur le visage des jeunes gens, la macralle, car c'est ainsi que les gens la voyait, les aurait invités à boire un verre de genièvre et à manger du tchatcha. Les jeunes gens, tentés par le pêché de gourmandise acceptèrent son invitation, mais les myrtilles étant ensorcelées, ils devinrent à leur tour macralles. (*)

(*) Les Macralles du Val de Salm [en ligne].
Disponible sur : <http://www.macralles.be/> (consulté le 05/09/2012)

Les macralles, le mayeur et la clé © Ooh! Collective
Macralles dans les rues de Vielsalm © Ooh! Collective

Ça se passe où ?

La fête du Sabbat a lieu à Vielsalm, qui est une commune de la Haute Ardenne, située au nord de la Province de Luxembourg.

Là, les macralles se rassemblent dans la forêt, sur les rochers du Tiennemesse, une clairière située sur les hauteurs de Vielsalm.

C'est quand ?

Le Sabbat des macralles a lieu tous les 20 juillet. Il débute le soir et dure une grande partie de la nuit. Vers 22h30, les macralles arrivent au lieu-dit Tiennemesse. C'est alors que commence le spectacle son et lumière.

Un brin d’évasion

Les êtres mystérieux de la Lorraine

Les Vosges sont peuplées d'histoires d'êtres fantastiques. Ainsi le sotré est un lutin farceur tout habillé de rouge. Il va dans les écuries et les étables, prépare un cheval, lui tresse la crinière ou lâche les vaches. Farceur, il taquine les servantes qui lui sont sympathiques et choie les nourrissons, mais gare au dormeur s'il décide de s'assoir sur sa poitrine... Plus fourbe et dangereux, Culâ se présente sous la forme d'une flamme errante qu'il faut à tout prix éviter de suivre sous peine de tomber dans un gouffre ou un marécage. Son cousin, appelé Lantèrnate en Moselle, prend un malin plaisir à faire tomber les gens en éclatant de rire. (1)

BONTEMPS Daniel, EVEILLARD James. Une Lorraine si étrange. Rennes : Éditions Ouest-France,2007, page 44 (Mémoires)

Un brin d'histoire

Histoire du Val de Salm et des environs

Forêt de Bonalfa © Ooh! Collective
Forêt de Bonalfa © Ooh! Collective

Vielsalm ou Val de Salm a emprunté son nom à la rivière Salm, du celtique salwa qui signifie « noir, brouillé ». À moins que ce nom ne provienne de l'allemand Salm « saumon », ce qui expliquerait les armoiries de l'ancienne maison de Salm et de la commune actuelle. Le terme Vielsalm, littéralement « vieille Salm » aurait été adopté lorsque le seigneur déplaça son château qui devint le nouveau centre du bourg et que quelque temps plus tard le centre reprit sa place ancienne et redevint la Vieille Salm.

La région boisée, parsemée de rivières, ruisseaux et de roches est composée de vallées avec pour point culminant de toute la Province de Luxembourg, la Baraque de Fraiture (652 mètres). Vielsalm et ses environs témoignent d'une occupation ancienne et l'on peut y découvrir des polissoirs néolithiques ou une enceinte celtique, les souvenirs d'un château datant du Moyen Âge ou les vestiges du château fort de Salmchâteau datant du XIVe siècle.

De nombreux édifices, églises, chapelles ou fermes datent du XVIIIe siècle. C'est dans la forêt environnante que la bourgeoisie du XIXe siècle chasse à courre.

Mais la région doit à sa forêt et à sa géologie d'importantes richesses. Les recherches historiques et géologiques révèlent qu'on trouvait dans la région des quantités d'or qui n'étaient pas encore épuisées à la fin du XIXe siècle. Les orpailleurs disparurent à la veille de la Première Guerre mondiale, car le rapport coût-bénéfice n'était plus rentable. Mais au début du XXe siècle, le sous-sol de la région livre d'autres richesses telles que le coticule, qui servait à faire les pierres à rasoir, mais aussi la malachite, l'ottrélite, l'ardennite, la vantasselite, les cristaux de quartz ou encore de turquoise.

Aujourd'hui, Vielsalm vit du tourisme et de l'exploitation des bois.

Intronisation d'Éric Boever © Ooh! Collective
Intronisation d'Éric Boever © Ooh! Collective

Un brin de poésie

Prière populaire wallonne qui devait être récitée afin d'être protégé de l'enfer et de la mort subite.

« Vièrje Marie â matin su lèva
Sès pîds tchâssa, sès mins lava.
So l'pîre d'âbe èle s'assiha.
Son fis Jésus qui passa.
« Mére Marîe, qu'f'soz-v'là ? »
« Tinhoz-v' don, fis (Jézus),
D'ja sondjî on sondje
Si hisdeûs, si doûlouteûs
Dj'a sondjî quu vos-estîz à l'âbe dussos l'creû ;
Vos pids, vos mins clawées,
Vosse bèle tchîfe couronée. »
« Tinhoz-v'don, mére Marîe,
C'n'est nin on sondje,
C'èst fine vèrité ! »
Ci qui l'dîrè treûs fîes â matin èt à l'nut' tot s'coûtant, du mâle mwart i n' mour' rè, du mâvas sondjes i n' angrè. O l' glare do Paradis l'îrè. Juzu. Amen »

Traduction

Se levant le matin, la Vierge Marie se chaussa, se lava les mains puis s'assit sur la pierre d'arbre. Son fils Jésus lui dit : « Mère, que faites-vous là ? » - Taisez-vous, mon fils, j'ai fait un rêve si hideux, si douloureux. J'ai rêvé que vous étiez sur l'arbre de la croix, pieds et mains cloués, et le chef couronné (d'épines). – Taisez-vous, mère, ce n'était pas un rêve, mais la pure vérité. » Celui qui dira cette prière trois fois le matin et le soir en se couchant ne mourra pas de mâle mort et n'aura pas à se soucier d'aucun mauvais présage. Il entrera dans la gloire du Paradis. Jésus. Amen. (*)

(*) Texte provenant de l'ouvrage : MARQUET, Léon. Légendes de sorcières et guérisseurs au Pays de Vielsalm,2ème partie. In Glain et Salm Haute Ardenne. Vielsalm : ASBL Val du Glain, Terre de Salm, 1987, p 70-71.

Petit abécédaire

LE DIABLE : l'étymologie du mot provient du latin ecclésiastique diabolus, du grec diabolos, qui signifie « calomniateur ». Dans la théologie judéo-chrétienne, le diable est un ange révolté contre Dieu, déchu et précipité en Enfer. Également appelé Belzébuth, le démon, Lucifer, Satan ou Méphistophélès, il pousse les humains à faire le mal. Dans le langage courant, c'est la personnification du mal qui s'oppose à Dieu. D'aspect repoussant, il est souvent représenté avec un corps noir velu, muni d'une queue, avec des cornes sur la tête et des pieds fourchus. Rusé, il est capable de se transformer et de prendre une forme extérieure séduisante afin d'entraîner les hommes dans le péché. (*)

LE PACTE AVEC LE DIABLE : c'est un pacte conclu avec le Diable « selon lequel il accorde certains privilèges pendant la vie terrestre en échange de la vie éternelle. » (*)

C'est ce type de pacte que Faust conclut avec le diable dans la première partie du drame éponyme de Goethe (1773-1832). Méphistophélès s'engage à lui faire découvrir les jouissances terrestres en échange desquelles Faust lui vendra son âme et lui appartiendra quand il sera dans l'autre monde.

LA FORÊT DE VIELSALM : la région vallonnée de Vielsalm est l'une des plus boisées de Wallonie. Sur une superficie de 13.535 hectares, 7200 sont boisés comprenant neuf réserves naturelles, sept sites classés Natura 2000 ainsi qu'une réserve intégrale de feuillus. Ici, on peut, en règle générale, cueillir des myrtilles, et de nombreuses scieries et entreprises forestières y ont trouvé leur bonheur.

LES FRAMBÂCHES : terme wallon, signifiant « myrtilles ».

LA MACRALLE / MACRALE : nom wallon désignant une sorcière, une jeteuse de sort aux pouvoirs maléfiques. Il provient littéralement de maquerelle. Dans certains procès, le terme de sorsir ou sorchir était employé comme injure.

Le Diable, aussi appelé Neûr bo © Ooh! Collective
Le Diable, aussi appelé Neûr bo © Ooh! Collective

LE NEÛR BO : Chez les macralles de Vielsalm, nom donné au diable signifiant « le bouc noir ».

LA GROTTE NOTRE-DAME DE LOURDES : dans le Pays du Val de Salm, non loin du Sabbat des macralles, se dresse la grotte Notre-Dame-de-Lourdes, construite par les habitants en reconnaissance de la protection de la Sainte Vierge durant la Seconde Guerre mondiale.

(*) Diable [en ligne]. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
Disponible sur : <http://www.cnrtl.fr/definition/diable> (consulté le 05/09/2012)

Sources

BONTEMPS Daniel, EVEILLARD James. Une Lorraine si étrange. Rennes : Éditions Ouest-France,2007, page 44 (Mémoires)

MARQUET Léon. Légendes de sorcières et guérisseurs au Pays de Vielsalm,2ème partie. In Glain et Salm Haute Ardenne. Vielsalm : ASBL Val du Glain, Terre de Salm, 1987.

VANDER CRUYSEN Yves, LECLERCQ Tommy. La Wallonie vue par les grands écrivains. Liège : Éditions Luc Pire, 2011 p. 30

Les Macralles du Val de Salm [en ligne].
Disponible sur : <http://www.macralles.be/> (consulté le 05/09/2012)

Site officiel de Vielsalm [en ligne].
Disponible sur: <http://www.vielsalm.be/ > (consulté le 05/09/2012)

Site officiel d’information touristique du Luxembourg belge [en ligne]. Fédération de Tourisme du Luxembourg belge.
Disponible sur : <http://www.ftlb.be/fr/ > (consulté le 05/09/2012)

JANSSENS Ugo. Ces Belges « les plus braves » - Histoire de la Belgique gauloise  [aperçu en ligne]. Bruxelles : Éditions Racine , 2008.
Disponible sur : <http://books.google.fr/books?id=Dr0WE0n74VwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false> (consulté le 05/09/2012)

Faust, de la damnation médiévale à la consécration romantique [en ligne].
Disponible sur : <http://www.philophil.com/philosophie/mal/figures/faust/faust.htm> (consulté le 05/09/2012)

Encyclopédie Mini Ardennes [en ligne].
Disponible sur :<http://www.mini-ardenne.be/encyclopedie.php?display=localite&commune=JALHAY&P=1> (consulté le 05/09/2012)

Dictionnaires en ligne :

Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.Portail Lexical [en ligne].
Disponible sur : <http://www.cnrtl.fr/portail/> (consulté le 05/09/2012)

Dictionnaire Larousse [en ligne].
Disponible sur : <http://www.larousse.fr/> (consulté le 05/09/2012)

BONTEMPS Daniel, EVEILLARD James. Une Lorraine si étrange. Rennes : Éditions Ouest-France,2007, page 44 (Mémoires)

MARQUET Léon. Légendes de sorcières et guérisseurs au Pays de Vielsalm,2ème partie. In Glain et Salm Haute Ardenne. Vielsalm : ASBL Val du Glain, Terre de Salm, 1987.

VANDER CRUYSEN Yves, LECLERCQ Tommy. La Wallonie vue par les grands écrivains. Liège : Éditions Luc Pire, 2011 p. 30

Les Macralles du Val de Salm [en ligne].
Disponible sur : <http://www.macralles.be/> (consulté le 05/09/2012)

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Disponible sur: <http://www.vielsalm.be/ > (consulté le 05/09/2012)

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JANSSENS Ugo. Ces Belges « les plus braves » - Histoire de la Belgique gauloise  [aperçu en ligne]. Bruxelles : Éditions Racine , 2008.
Disponible sur : <http://books.google.fr/books?id=Dr0WE0n74VwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false> (consulté le 05/09/2012)

Faust, de la damnation médiévale à la consécration romantique [en ligne].
Disponible sur : <http://www.philophil.com/philosophie/mal/figures/faust/faust.htm> (consulté le 05/09/2012)

Encyclopédie Mini Ardennes [en ligne].
Disponible sur :<http://www.mini-ardenne.be/encyclopedie.php?display=localite&commune=JALHAY&P=1> (consulté le 05/09/2012)

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Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.Portail Lexical [en ligne].
Disponible sur : <http://www.cnrtl.fr/portail/> (consulté le 05/09/2012)

Dictionnaire Larousse [en ligne].
Disponible sur : <http://www.larousse.fr/> (consulté le 05/09/2012)

Liens utiles

Site officiel de la Province de Luxembourg : http://www.province.luxembourg.be/fr

Site officiel d'information touristique du Luxembourg belge : http://www.ftlb.be/fr/

Site des Macralles du Val de Salm : http://www.macralles.be/

Site de l'association Centre Départemental des Musiques et Danses Traditionnelles du Puy-de-Dôme, Les Brayauds : http://brayauds.free.fr/index.php

À écouter :

COGNET Antoine / COGNET Clémence / ETIENNE Loïc / ETIENNE Cyril / KARVAIX Mathilde. Mazurka du bal perdu, Musiques d'Auvergne : Komred. CdMDT 63 Les Brayauds, 2009