Patrimoine vivant Wallonie-Bruxelles


L’art de soigner avec les plantes à Villers-la-villeL’art de soigner avec les plantes à Villers-la-ville

« Avant tout et par-dessus tout, on prendra soin des malades, et on les servira comme s’ils étaient le Christ en personne » Règle de Saint Benoît suivie par les moines de l’abbaye de Villers (1)

« Si on est enclin à la colère, prendre de la rose et à peine moins de sauge, réduire en poudre, et, au moment où la colère jaillit en soi, présenter cette poudre devant les narines : en effet, la sauge apaise et la rose réjouit» (1)
Hildegarde de Bingen, Physica.

« Symbolique du romarin : arbre sacré déjà dans l’Antiquité sans doute à cause
de son odeur d’encens. Il n’acceptait de fleurir que chez ceux qui étaient droits et justes.
Symbole de l’amour et de l’immortalité. »
(1)

C'est quoi ?

Lavandin © Ooh ! Collective

Lavandin © Ooh ! Collective

Le jardin de l’abbaye de Villers comprend plus de 70 plantes médicinales présentées dans un espace clos bordé de hauts murs.

« Cet espace comprend 2 parties : la première, parfaitement symétrique et linéaire, est composée de 8 carrés en plessis de châtaigner surélevés entourés d’une haie en osier vivant. Au centre trône une fontaine en pierre bleue façonnée par les tailleurs de pierre de la carrière de Sclayn en 2012.

La seconde partie, tout en courbe et en rondeur, évoque la nature non domestiquée. Des arbres, des arbustes et une petite mare en constituent le décor. Les deux espaces sont reliés entre eux par un chemin surmonté d’une treille en châtaignier, habillée de vignes.

Les plantes médicinales sont choisies sur base des ouvrages médicaux d'Hildegarde de Bingen, abbesse du XIIe siècle de la région rhénane. Cette religieuse propose un art de guérir qui tient compte de l'homme en son unité d'âme et de corps et parle d'une juste mesure pour maintenir l'équilibre et éviter la maladie. Son enseignement, empli de sagesse, suscite un intérêt croissant auprès de l'homme contemporain. » (1)

La théorie des humeurs…

« Dans les écrits d’Hildegarde relatifs à la médecine, on rencontre des traces de la médecine populaire et de l’antique doctrine des humeurs du corps et des tempéraments.

Cette théorie, sur laquelle repose toute la médecine jusqu’au XVIIe siècle, a été instaurée par Galien (131–201) qui la développa en s'appuyant sur les écrits d'Hippocrate (vers 460 av. J.-C. - 377 av. J.-C.). Hildegarde l’envisage comme suit : l’homme est le cœur du cosmos, Dieu l’a créé à sa propre image et a dessiné chaque créature dans sa forme. L’homme vit de ses 4 humeurs comme l’univers est constitué des 4 éléments (air, terre, eau, feu).
Les 4 humeurs combinent des qualités premières (chaud ou froid, humide ou sec) et déterminent la santé de l’homme. Tant que les 4 sucs ou humeurs se trouvent dans un équilibre entre chaleur et humidité, l’homme est en bonne santé. Un déséquilibre engendre la maladie. L'harmonie peut être rétablie par un régime alimentaire approprié et des préparations à base de plantes. Car les aliments eux aussi sont composés de qualités premières : ils sont chauds ou froids, secs ou humides.

Pour les malades souffrant d’un « estomac froid », Hildegarde préconise par exemple des aliments particulièrement chauds : Si quelqu'un laisse échapper beaucoup d'humeurs et de flegme venant des viscères, et s'il a l'estomac froid, il faut qu'il prenne, avant et après les repas, de l'aigremoine trempée dans du vin : cela purifie et diminue les excrétions et réchauffe l'estomac . »

Jardin de l’Abbaye de Villers © Ooh ! Collective
Jardin de l’Abbaye de Villers © Ooh ! Collective

Dans le jardin de l’abbaye, le classement des plantes dans les 6 premiers carrés se base sur cette théorie médiévale et classe les végétaux selon leur degré de chaleur et d’humidité.

« Carré 1. Plantes chaudes et humides : tanaisie, valériane, cresson barbarée, rue.

Carré 2. Plantes chaudes et sèches : molène-bouillon blanc, hellébore fétide, hysope, origan, plantain psyllium, cerfeuil.

Carré 3. Plantes froides : panais, mauve, verveine, euphorbe épurge, lis blanc, ancolie, chardon Marie.

Carré 4. Plantes froides et humides : tussilage, pulmonaire, pavot somnifère, souci.

Carré 5. Plantes chaudes et sèches : lavande, grande aunée, thym, sauge officinale.

Carré 6. Plantes chaudes : bardane, fenouil, aigremoine, armoise, absinthe, serpolet.

Les 2 derniers carrés évoquent les plantes utilisées pour le tissage et la teinture.

Carré 7. Plantes textiles et diverses : lin, chanvre cultivé, cardère, saponaire.

Carré 8. Plantes tinctoriales : garance, réséda-gaude, serratule, carthame. » (2)

« Le succès que rencontre aujourd’hui la médecine d’Hildegarde réside sans aucun doute dans sa vision de l’homme total (corps, esprit et âme). Pour vivre en pleine santé, il faut être en harmonie avec les divers courants de notre vie : l’environnement, le corps (en particulier la nourriture), l’esprit (la psyché, les émotions…), l’âme, en relation équilibrée avec le cosmos et Dieu. Pour Hildegarde, il est donc très important de rétablir le lien entre l’homme et la nature. Elle insiste également sur la prévention. L’homme doit prendre soin de son corps de manière préventive, mener une vie saine, disciplinée et équilibrée. Un tel système global représente une clef d’or pour l’homme moderne. » (2)

  1. Le jardin de l’abbaye de Villers . [en ligne]. Abbaye de Villers. Disponible sur :
    <http://www.villers.be/fr/jardin-plantes-medicinales> (consulté le 05/09/2014)

  2. BURETTE, Anne. Visite guidée du jardin. Document pour les guides de l’abbaye de Villers. juillet 2012, p. 8-9.


Ça se passe où ?

L’abbaye de Villers-en-Brabant est une ancienne abbaye cistercienne située sur le territoire de la commune de Villers-la-Ville (Brabant wallon, Belgique). Fondée en 1146, elle fut abandonnée en 1796 et la majeure partie du site est désormais en ruine. Propriété de l’État belge, les ruines sont inscrites au patrimoine exceptionnel de la Région wallonne. (1)

  1. Découvrir l’abbaye de Villers [en ligne]. Abbaye de Villers. Disponible sur :
    <http://www.villers.be/fr/decouvrir-abbaye-villers> (consulté le 05/09/2014)

Jardin de l’Abbaye de Villers © Ooh ! Collective
Jardin de l’Abbaye de Villers © Ooh ! Collective

C'est quand ?

Tout au long de l’année en écoutant le cycle des saisons.

Un brin d’évasion

L’art de rester en bonne santé avec l’olivier

Point de vue du docteur Jean-Michel Borys, endocrinologue et nutritionniste.

« Il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de bonne nutrition durable sans la dimension plaisir. [...] Manger des salades, pourquoi pas ? Mais avec l’huile d’olive, la salade perd sa dimension brute, et d’un produit typé « régime » devient un produit plaisir. Elle renforce le plaisir de s’alimenter et rehausse le goût des aliments, elle donne bon goût, elle anticipe le plaisir, elle rend les plats plus attractifs et en cela, elle constitue un allié de choix pour les nutritionnistes. De plus, lorsque l’on prend du plaisir à se nourrir nous fabriquons certaines hormones qui constituent d’excellents régulateurs de l’appétit. Ces hormones limitent le stress et l’anxiété, et ainsi diminuent le comportement compulsif qui pousse à l’obésité. [...]

Parmi tous les corps gras, outre ses bénéfices santé maintenant bien connus, l’huile d’olive possède l’immense mérite de participer d’une longue tradition. Ce n’est pas l’une des dernières huiles à la mode, elle fait partie intégrante de notre culture. Comme le vin, elle bénéficie d’une grande diversité, atout important à la fois pour le gastronome et le nutritionniste. Son aspect, sa couleur, l’imaginaire qui s’y rattache, sa palette d’arôme... nous donnent envie de manger. Son onctuosité permet d’enrober les aliments, de les adoucir, de les rendre moins rêches ou moins durs. C’est ce que l’on appelle la « palatabilité ». De plus, comme elle transporte parfaitement les arômes, elle constitue l’un des meilleurs véhicules du goût. C’est donc l’allié incontournable pour inciter à faire manger des légumes, des fruits du poisson avec encore plus de plaisir. »

BRAULT, Lionel, BRAULT, Monique. L’Oléologie : déguster l’huile d’olive comme le vin . Saint-Remy–de-Provence : ÉDISUD, 2008. p.51.

Cueillette © Ooh ! Collective
Cueillette © Ooh ! Collective

Un brin d'histoire

Histoire d’Hildegarde de Bingen (1098-1179)

« Issue d’une famille de la petite noblesse rhénane (province allemande actuelle du Palatinat, Allemagne du Sud-Ouest), moniale dès l’âge de 8 ans, Hildegarde de Bingen deviendra à la fois abbesse, écrivain et prophétesse engagée dans les combats de son temps.

Atteinte de visions dès son plus jeune âge, elle les transcrit dans son premier ouvrage, le Scivias à partir de 1146. Ce texte, approuvé par le pape Eugène III et saint Bernard en 1147, contribue au développement immédiat de sa notoriété. Elle rédige ensuite deux autres livres visionnaires : Le livre des mérites et Le livre des œuvres divines.

À côté de ces textes visionnaires, l’œuvre d’Hildegarde comprend des chants et un drame musical, deux vies de saints et une correspondance abondante (plus de 450 lettres) qu’elle entretint avec des papes, l’empereur Frédéric Barberousse, des évêques, moines ou simples laïcs. Elle est également l’auteur d’un livre de médecine le Causae et Curae (Les causes et les remèdes) et un livre de sciences naturelles le Physica ( Physique) ou Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum (le Livre des subtilités des créatures divines).

Bien qu’elle fit l’objet d’une dévotion populaire de son temps et qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours, elle n’avait jamais été canonisée et l’appellation de « sainte Hildegarde » l’avait emporté. Récemment, le 10 mai 2012, le pape Benoît XVI l’a officiellement canonisée et sa fête est fixée au 17 septembre. Elle a été proclamée docteur de l’Église le 7 octobre 2012. »

BURETTE, Anne. Visite guidée du jardin. Document pour les guides de l’abbaye de Villers. juillet 2012. p. 8-15.

Un brin de poésie

La symphonie des harmonies célestes d’Hildegarde de Bingen (extrait)

De sancta Maria
Ô ce grand miracle
dans la forme soumise et féminine
le Roi a pénétré !
Et Dieu l'a fait
Parce que l'humilité s'élève au-dessus de tout.
Ô cette grande félicité
Là, dans cette forme !
Car le mal, qui a coulé de la femme,
la femme ensuite l'a lavé !
Et tous les parfums des vertus,
les parfums les plus suaves,
elle les a composés,
donnant au ciel
plus grande parure que le trouble
dont elle avait troublé la terre.

DE BINGEN, Hildegarde, LENOIR, R. (trad.), CARRAUD, C. (trad.). La symphonie des harmonies célestes. Grenoble : Ed J. Millon, 2003, p. 81.

Préparation de l’eau florale © Ooh ! Collective
Préparation de l’eau florale © Ooh ! Collective

Petit abécédaire

Propriété de certaines plantes

Les notices sont issues du Guide de visite du Jardin de l’abbaye. Ce sont les remèdes d’Hildegarde. Il ne s’agit en aucun cas de recettes applicables aujourd’hui!

AMÉTHYSTE : […] Si on a des taches sur le visage, il faut mouiller une améthyste avec sa salive et en frotter les taches. On peut aussi chauffer de l’eau sur le feu et tenir cette pierre au-dessus de l’eau jusqu’à ce que sa sueur se mêle à l’eau: on se lavera le visage avec cette eau. On le fera souvent et on aura un visage à la peau douce, et de belle couleur. […]

BARDANES : - Arctium lappa. Les fleurs, mélangées à des écailles de tortue, réduisent les ulcères sur la tête. Hildegarde propose aussi une boisson de feuilles cuites dans du très bon vin pour dissoudre le calcul à l’intérieur. Grande plante bisannuelle de la famille des astéracées à fleurs en forme de pompons, munis de crochets qui s’accrochent aux animaux et aux vêtements. Floraison de juillet à septembre.

HYSOPE : - Hyssopus officinalis . Elle a tellement de puissance que même la pierre ne peut l’empêcher de pousser là où elle est semée. Si on en mange souvent, elle fait disparaître les bouillonnements fétides des humeurs, comme la chaleur fait disparaître l’écume d’une marmite, et elle est utile dans tous les plats. Hildegarde la recommande également pour purifier le foie et purger le poumon. Plante vivace de la famille des labiées. Floraison de juin

à septembre.

MOUCHE : […] Si une tumeur se développe sur quelqu’un, il pilera des mouches, après avoir rejeté leur tête, et il mettra cela autour de la tumeur pour empêcher que le poison ne s’étende plus loin. Puis il pilera une limace avec laquelle il fera la même chose ; ensuite, avec du suc de lis, il frictionnera la partie de la peau qui est autour du cercle fait avec la limace. […]

PAVOT SOMNIFÈRE : - Papaver somniferum. Sa graine, si on en mange, apporte le sommeil et apaise les démangeaisons, débarrasse des poux et des lentes. Hildegarde ajoute :

On peut les prendre gonflées dans l’eau, mais elles sont meilleures et plus efficaces crues que cuites. Plante herbacée de la famille des papavéracées. Floraison de juin à août. Plante toxique.

Pavot somnifère, illustration de Franz Eugen Köhler
Pavot somnifère, illustration de Franz Eugen Köhler

SAUGE OFFICINALE : - Salvia officinalis. La sauge est considérée comme une panacée à l’époque médiévale, elle était présente dans tous les jardins. Pourquoi meurt-il, l’homme

qui a de la sauge dans son jardin ? s’interrogeait au 13e siècle, le poète anonyme du Régime de Salerne. C’était pour répondre, un peu plus loin contre la violence de la mort, il n’y a pas de remède dans les jardins. Hildegarde recommande la sauge contre l’excès de flegme, en cas d’haleine fétide, si on est dégoûté de toute nourriture, ou encore, mélangée à d’autres plantes contre les maux d’estomac et les migraines. Petit arbrisseau de la famille des lamiacées. Floraison de mai à août.

SERPOLET : - Thymus Serpyllum. Utilisé cuit avec la viande ou dans les légumes pour soigner les chairs malades et sous forme de galette pour le cerveau fatigué. Petit sous-arbrisseau vivace de la famille des labiacées. Floraison de mai à septembre.

SOUCI : - Calendula officinalis. Le souci est utilisé par Hildegarde contre le poison, tant pour l’homme que pour les animaux et dans les affections de la peau. Plante herbacée annuelle de la famille des astéracées. Floraison aux premiers jours du printemps.

Sources

Abbaye de Villers. [en ligne]. Disponible sur : <http://www.villers.be/ > (consulté le 27/08/2014)

BURETTE, Anne. Visite guidée du jardin. Document pour les guides de l’abbaye de Villers. juillet 2012

Guide de visite du Jardin de l’abbaye

Pour le brin d’évasion

BRAULT, Lionel, BRAULT, Monique. L’Oléologie : déguster l’huile d’olive comme le vin. Saint-Remy–de-Provence : ÉDISUD, 2008. 208p.

Pour aller plus loin

DE BINGEN, Hildegarde, MONAT, Pierre (trad.). Les causes et les remèdes. Grenoble : Editions Jérôme Millon, 1997, 301p.

DE BINGEN, Hildegarde, MONAT, Pierre (trad.). Le livre des subtilités des créatures divines : Les plantes, les éléments, les pierres, les métaux. Grenoble : Editions Jérôme Millon, 1996, 262p.

DE BINGEN, Hildegarde, MONAT, Pierre (trad.). Le livre des subtilités des créatures divines : Les arbres, les poissons, les oiseaux, les animaux, les reptiles. Grenoble : Editions Jérôme Millon, 1994, 244p.

Liens utiles

Site officiel de la Province du Brabant wallon : http://www.brabantwallon.be/

Site de la Fédération du Tourisme de la Province du Brabant wallon : http://www.destinationbw.be

Page Facebook de la Fédération du Tourisme de la Province du Brabant wallon :

Site de la Maison du Tourisme du Pays de Villers : www.paysdevillers-tourisme.be

Site de l’Abbaye de Villers-la-Ville : www.villers.be

A écouter

CUICONI Jean (auteur, compositeur, interprète), Le train ne s’arrête jamais