Patrimoine vivant Wallonie-Bruxelles


La Marche militaire Saint-Roch à ThuinLa Marche militaire Saint-Roch à Thuin

  • « À la naissance, les parents inscrivent leurs enfants et dès qu'ils ne vont plus dans une poussette, ils marchent ! »
  • « Je vais vous dire franchement, c'est grâce à une jeune fille que j'ai connu saint Roch... »
  • « Mon plus beau souvenir ? Ma première marche, il y a trois ans... »

C'est quoi ?

« Le plus important, ce n'est pas que l'homme ait marché sur la lune, mais que Dieu ait marché sur la terre » 

James B. Irwin (1930-1991), astronaute.

La Marche militaire de Saint-Roch à Thuin est une procession dédiée à saint Roch accompagnée d’une escorte armée. C’est le propre de la terminologie de la marche. Les marches, alliant folklore, histoire et traditions, sont nombreuses dans l’Entre-Sambre-et-Meuse.

C’est à Thuin, lors de la procession faite en l’honneur de saint Roch que l’on peut admirer, entre autres, le Second Régiment des Grenadiers à pied de la Garde lmpériale, les Tartares Lituaniens, les Sapeurs et Artilleurs du Second Empire, ou encore la Société Royale des Zouaves Pontificaux, tous revêtus de leurs uniformes.

La cérémonie commence officiellement lors des tirs de campes. Ce sont des cylindres d’acier remplis de poudre qui sont allumés à l’aide d’une mèche.

Les Tartares Lituaniens © Musée des Marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse
Les Tartares Lituaniens © Musée des Marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse

Tout en escortant la statue de Saint-Roch, la marche, très réglementée, tisse un itinéraire de plusieurs kilomètres sur trois jours, ralliant plusieurs églises et combinant musique militaire au son du clairon, du fifre ou de la batterie (Brabançonne, rigodons...), différents tirs cadrés au fusil et tromblon, une retraite aux flambeaux, différents hommages (au monument aux morts, au monument aux marcheurs...), un passage à la ferme la Maladerie, la célébration des vêpres, une messe militaire durant laquelle les drapeaux des sociétés sont placés entre le chœur et l’autel et à laquelle les Sociétés se doivent d’assister par tradition, quelque soit leur foi ; mais aussi la vénération de la relique à la chapelle Saint Roch par les Sœurs Grises et les pèlerins, ainsi que la remise des décorations.

Chaque moment important de la Saint-Roch est marqué par le tir d’une campe parfois accompagné de la sonnerie des cloches du beffroi.

Saint Roch

Originaire de Montpellier, saint Roch est né dans la première moitié du XIVe siècle. Très jeune, il fut témoin des horreurs de la peste. À peine âgé de 20 ans, en pèlerinage en Italie, il s’occupa des pestiférés, en alliant savoir médical et invocations et obtint de nombreuses guérisons miraculeuses, dont celle d’un prélat qui lui fit rencontrer le pape Urbain V.

Mais en 1371, rentré au pays, il contracta cette terrible maladie et se réfugia dans les bois afin de s’isoler et d’y mourir. Chaque jour, un chien venait lui amener un morceau de pain volé dans la cuisine de son maître, probablement le noble Gothard Pallastrelli qui deviendrait plus tard son disciple. C’est là qu’un ange lui serait apparu et lui aurait rendu la santé. Il repartit, comme un pèlerin, auprès des pestiférés afin de leur prodiguer attention et soins. Pris pour un espion, il fut arrêté en Italie, mais, tout pèlerin faisant vœu d’anonymat, il ne révéla jamais son identité et fut emprisonné. Il mourut au cachot, au bout de cinq années d’emprisonnement. D’après certains témoins, le cachot s’illumina au moment de sa mort et le dernier souhait exprimé par saint Roch à l’ange venu l’accompagner, fut d’intercéder pour les gens en souffrance.

La peste qui sévit à Thuin en 1636 aurait pour origine le culte que la ville dédie à saint Roch.

Société Royale des Zouaves Pontificaux © Ooh! Collective
Société Royale des Zouaves Pontificaux © Ooh! Collective

« Le cortège est ouvert par une délégation du Comité Saint-Roch, composée du Président, des Vice-présidents et de quelques anciens membres. Il suit ensuite un ordre bien réglementé, traditionnellement toujours le même :  

  • Second Régiment des Grenadiers à pied de la Garde Impériale (Thuin)
  • Second Régiment des Zouaves Français du Second Empire (Thuin)
  • Compagnie Royale des Pompiers des Waibes (Thuin)
  • Société Royale des Mousquetaires du Roy (Thuin)
  • Société Royale des Sapeurs-Pompiers de la Ville-Haute (Thuin)
  • Compagnie des Voltigeurs du 1er Empire (Thuin)
  • Les Tartares Lituaniens (Thuin)
  • Sapeurs et Artilleurs du Second Empire (Biercée)
  • Compagnie Royale des Enfants de Sainte-Barbe (Ragnies)
  • Les Volontaires Belges de 1830 (Thuin)
  • Les Flanqueurs de la Garde du 1er Empire (Ragnies)
  • La Compagnie Saint-Roch (Thuin)
  • Compagnie Royale des Chasseurs Carabiniers de la Ville-Basse (Thuin)
  • Société Royale des Zouaves Pontificaux (Thuin)
  • Saint Roch
  • Le Clergé
  • L’Administration Communale
  • Sœurs Grises et Pèlerins 

Les Sociétés invitées, tradition suivie depuis 1868, sont intercalées dans le cortège, en fonction de leur uniforme, des tirs et de la présence ou non d’une musique . » (*)

(*) Ordre du cortège [en ligne]. Site officiel de la Procession et Marche Militaire Saint-Roche de Thuin (Belgique). Disponible sur : <http://www.saintrochthuin.be/marche/marche-et-procession/ordre-de-marche.html> (consulté le 05/09/2012)

Ça se passe où ?

Thuin est situé dans le Hainaut, sur la Sambre en Belgique. La ville fait partie de la région naturelle de l’Entre-Sambre-et-Meuse, région dans laquelle se déroulent de nombreuses marches.

Les jardins suspendus de Thuin © Ooh! Collective
Les jardins suspendus de Thuin © Ooh! Collective

C'est quand ?

Chaque année, le troisième week-end du mois de mai.

Le samedi soir : tir des campes suivi du départ du Cortège de la retraite aux flambeaux, à travers les rues de la Cité, avec la participation des Batteries Thudiniennes.

Le dimanche :

10h00: Place de la Gare du Nord, réception des Societés invitées.

11h00: Au monument au marcheur, hommage au marcheur de l'Entre-Sambre-et-Meuse

11h30: Au beffroi, hommage aux morts des deux Guerres.

13h00: Au Chant des Oiseaux, réunion des Societés et formation du cortège

13h30 : départ du cortège

Vers 19h30, rentrée solennelle à l'église de la Ville-Basse

Le lundi :

09h00: vénération des reliques à l’église de la Ville-Basse

10h00: grand-messe militaire en musique.

À l'issue de la messe, hommage au marcheur de l'Entre-Sambre-et-Meuse et formation du cortège.

Remise des décorations aux marcheurs par l’administration communale et hommage aux morts des deux Guerres.

Campe © Ooh! Collective
Campe © Ooh! Collective

Un brin d’évasion

L’Escorte de Savièse, dans le Valais, en Suisse

Dans le canton du Valais, en Suisse, une escorte accompagne la procession lors de la fête du Saint-Sacrement. C’est au XVIIIe siècle, que se constitue à Savièse la Confrérie du Saint-Sacrement. Proche des traditions de l’Entre-Sambre-et-Meuse, l’escorte est tout de même teintée des coutumes helvétiques.

Les uniformes des marcheurs sont créés en s’inspirant des costumes liés à l’histoire de la contrée, sans en être une reproduction. Ainsi, les grenadiers sont en rouge comme l’était l’uniforme des régiments du XIXe siècle, et chacun d’eux personnalise sa ceinture de broderies.

Un détachement de garde suisse, portant l’uniforme de la garde pontificale dessiné par Michel-Ange, assure l’escorte du Saint-Sacrement. Deux pelotons défilent dans l’uniforme porté par les miliciens suisses jusqu’en 1990.

Le capetan, qui ne porte pas le costume militaire, conduit les Sapeurs en précédant la compagnie. Il est, avec le banneret (le porteur du drapeau), la figure la plus importante de la hiérarchie de la marche. Il porte une lance enrubannée (l’espoton) qui est censée protéger le village. Basé sur un modèle militaire et également porté par le banneret, le sergent et le caporal des grenadiers, ce chapeau est une création populaire faite de plumes d’autruche colorées et de grappes de raisin.

Un brin d'histoire

Histoire de la marche Saint-Roch

« Dans l'Entre-Sambre-Et-Meuse, on invoque saint Roch spécialement pour la peste. Au 17e siècle, notre région connut plusieurs épidémies de peste.

Le culte de saint Roch à Thuin semble avoir pour origine celle qui sévit en 1635 dans la ville. En effet, un testament daté du 14 octobre 1637 cite, pour la première fois, semble-t-il, la confrérie Saint-Roch. Celle-ci avait donc été créée avant cette date et peut, avec vraisemblance, être mise en relation avec l'épidémie de 1635. Elle avait son siège dans l'église de la Ville-Basse et était chargée, comme les autres, de l'organisation du culte et des processions.

C'est ainsi que, jusqu'à la Révolution Française, une messe solennelle en l'honneur de saint Roch fut chantée tous les mardis et que le 16 août, jour de la fête du saint, avait lieu sa procession. Les escortes d'archers, d'arbalétriers, de hallebardiers et d'arquebusiers, à cette époque, étaient beaucoup plus folkloriques que réellement militaires.

On donne le nom de « Marche », aux processions religieuses escortées de compagnies de guerriers improvisés. À la Révolution française, la procession annuelle du 16 août fut abolie. Dès 1801, les messes du mardi, en l’honneur de saint Roch, reprirent (52 par an et, plus tard, 35), mais pas la procession. Elle put cependant sortir le 23 Termidor de l’an XII (13 août 1803) sur l’autorisation du maire Boursault. Pendant les guerres du Premier Empire, elle fut de nouveau interdite, et remplacée par la procession Notre-Dame d’el Vaulx.

Au XIXe siècle, plusieurs épidémies, de choléra cette fois, se succédèrent. C'est, lors de celle qui ravagea les bas quartiers de la ville en 1866, que reprit, de façon plus spectaculaire, le culte à saint Roch. Dès cette année, le curé de la Ville-Basse instaura une nouvelle Confrérie Saint-Roch.

Une procession en l'honneur de saint Roch sortit en 1867, mais le troisième dimanche de mai, afin de dissocier la procession Saint-Roch de la grande procession Notre-Dame à laquelle elle était accolée et de garantir à celle-ci son prestige d'antan. »

L’origine de la Saint-Roch [en ligne]. Site officiel de la Procession et Marche Militaire Saint-Roche de Thuin (Belgique). Disponible sur : <http://www.saintrochthuin.be/marche/historique/origine.html> (consulté le 05/09/2012)

Émile Piraux et Roger Coppin, marcheurs en 1928 © MMESM
Émile Piraux et Roger Coppin, marcheurs en 1928 © MMESM

Un brin de poésie

Les Baguettes

Lorsque des étrangers revenus vers nos terres
avec de pleines volées d’oiseaux dans la mémoire
demanderont : « Où est l’homme
qui fait parler la peau de chèvre
sous les attouchements de ses bâtons d’ébène ? »
certains qui connaissent mon nom
et qui m’ont vu ouvrir les ailes de mon chant, diront :
« C’est dans cette maison de lierre,
parmi des fûts de cuivre et des chansons de fifre.
Vous y serez reçus comme des rois,
car il aime tous ceux qui vivent de la terre.
Et vos chevaux, dans l’écurie de la lumière,
seront nourris du seigle de sa voix.
À vous dans la cuisine un peu sombre du coeur,
il vous fera l’offrande d’une pomme,
d’une eau de vie cuivrée comme les heures
et d’un poème déclamé dans les orages du tambour. 

Pierre-Jean Foulon, Pas Ordinaire, Thuin, 1978.

Petit abécédaire

LES ENFANTS ET LA MARCHE :les enfants ont une place importante dans les marches. Autrefois sous le drapeau de la Jeunesse, ils sont parfois officiers et prennent conscience de leur rôle. Aujourd’hui, certains enfants sont à peine en âge d’apprendre à marcher, mais ils arborent déjà l’uniforme.

Voulant faire « comme papa », les pelotons de jeunes grossissent tellement qu’ils sont parfois détachés en Compagnies autonomes menées par des adolescents, sous la surveillance d’adultes volontaires. C’est ainsi que la relève se forme sur le terrain. Les jeunes apprennent ici l’importance de la parole donnée, le respect des règles, la fierté de son pays, mais aussi l’Histoire et le folklore.

Les enfants du Second Régiment des Zouaves Français du Second Empire © MMESM
Les enfants du Second Régiment des Zouaves Français du Second Empire © MMESM

LES 14 SOCIÉTÉS THUDINIENNES : Le Second Régiment des Grenadiers à pied de la Garde lmpériale, le Second Régiment des Zouaves Français du Second Empire, la Compagnie Royale des Pompiers des Waibes, la Société Royale des Mousquetaires du Roy, la Société Royale des Sapeurs-pompiers de la Ville-Haute, la Compagnie des Voltigeurs du ler Empire, les Tartares Lituaniens, les Sapeurs et Artilleurs du Second Empire, la Compagnie Royale des Enfants de Sainte-Barbe, les Volontaires Belges de 1830, les Flanqueurs de la Garde du 1er Empire, la Compagnie Saint-Roch, la Compagnie Royale des Chasseurs Carabiniers de la Ville-Basse, la Société Royale des Zouaves Pontificaux.

Quelques autres marches

LA MARCHE NOTRE DAME DE WALCOURT : elle est caractérisée par un jeu scénique qui répète chaque année l’évènement suivant. Lors de l’incendie de la collégiale en 1228, la statue de la Vierge de Walcourt se serait réfugiée dans un arbre. Le comte de Rochefort réussit à l’en faire descendre en promettant de construire une abbaye à cet endroit.

Lors de la représentation de cet évènement, une autre croyance entre en jeu. Une fois la statue descendue du bouleau planté là pour l’occasion, ce dernier se voit arracher ses branches qui auraient la vertu de protéger les maisons des l’incendies. En effet, une ancienne croyance wallonne, prête au bouleau la vertu d’éloigner la foudre (1). La marche de Notre Dame de Walcourt est composée de quatre compagnies : les Hussards, la Jeune Garde, les Zouaves et la compagnie du Premier Empire.

LA MARCHE SAINT PIERRE DE VILLERS-DEUX-ÉGLISES : lors de cette marche, une fois les drapeaux rentrés à l’église, les marcheurs exécutent une mise en scène de bataille en l’honneur de Waterloo, avançant en ligne au son des tambours et tombant au champ d’honneur pour reprendre vie grâce à un petit verre de goutte servi directement sur le terrain.(1)

LA MARCHE SAINT-PIERRE ET DANSE DE SEPT SAUTS À MORIALMÉ : souvent discrètes et très maitrisées, les traditions dansantes sont parfois présentes dans les marches. Ainsi, à Morialmé, la danse des sept sauts clôture la marche Saint-Pierre du samedi soir. Au terme de la retraite, la musique entame un air particulier et une farandole se crée. Lors d’un repère musical, tout le monde s’accroupit puis se relève. Lorsque la musique entame pour la deuxième fois son repère musical, les participants s’accroupissent et se relèvent à deux reprises. Et ainsi de suite jusqu’à sept fois. De nombreuses régions d’Europe pratiquent cette danse, qui aurait peut-être comme origine certains rites païens invoquant la fertilité du sol, à moins qu’elle ait pris naissance dans les contredanses françaises en vogue dans l’aristocratie de l’Ancien Régime. (1)

LA MARCHE SAINT WALHÈRE À GOURDINNE : marche et procession à Gourdinne en l’honneur de saint Walhère. La statue ici, n’est pas portée par les marcheurs, mais par des hommes en civil. Une des particularités de cette marche est la bénédiction des tracteurs. En effet, Saint Walhère était invoqué dans les fermes afin de protéger le bétail.

THIBAUT Bertrand. DEGÉE Pascal (illus.). En marches. Les escortes militaires en Entre-Sambre-et-Meuse. Bruxelles : Éditions Aparté, 2010, p 154 à 159.

Sources

THIBAUT Bertrand. DEGÉE Pascal (illus.). En marches. Les escortes militaires en Entre-Sambre-et-Meuse. Bruxelles : Éditions Aparté, 2010, p 154 à 159.

Site officiel de la Procession et Marche Militaire Saint-Roche de Thuin (Belgique) [en ligne].
Disponible sur :<http://www.saintrochthuin.be/> (consulté le 05/09/2012)

Association des Marches Folkloriques de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Le Marcheur de l’Entre-Sambre-et-Meuse [en ligne]. Bulletin trimestriel, 2006, n° 182.
Disponible sur : <http://www.amfesm.be/marcheur/PDF/2006-182.pdf> (consulté le 05/09/2012)

V.P. Trois jours pour saint Walhère [en ligne]. L’avenir.net.
Disponibles sur : <http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20120614_00170185> (consulté le 05/09/2012)

À propos des Marches [en ligne]. La Trinité.be.
Disponible sur : <http://www.latrinite.be/lamarche.htm> (consulté le 05/09/2012)

Liens utiles

Site officiel de la Province de Hainaut : http://www.hainaut.be/

Site officiel de la Procession et Marche Militaire Saint-Roch de Thuin : http://www.saintrochthuin.be/

Site Le Marcheur de l’Entre-Sambre-et-Meuse :

http://www.amfesm.be/marcheur/PDF/2006-182.pdf

Site de Jean-Paul Verpeaux, musiques napoléoniennes : http://musicalis.monespace.net/pages/45.html

À écouter :

VERPEAUX Jean-Paul, La retraite des troupiers